Manifeste LightEaters

La photographie n’existe pas. Il n’y a pas de photographie ni de façon d’en prendre qui prime sur une autre. Ce n’est pas 80% de technique et 20% d’artistique, ni 50/50. La photographie n’est pas morte. le numérique ne signe pas la fin de la photographie. Ni les smartphones. Il s’agit seulement de pratiques différentes. L’art, n’est pas une question de progrès. En un sens, il n’y a pas de naissance ni de mort. Simplement, à un moment donné, on trouve des moyens particuliers d’expression avec des médias particuliers.

La photographie, c’est : voir, observer, déclencher. Le déclic est premier. C’est avant tout le désir, l’envie. La technique est secondaire, et il n’y a pas de meilleur moyen que les autres, seulement des moyens adaptés à chacun. La technique n’est qu’un moyen. Qu’il faut connaître si possible. On ne pratique pas la photographie pour enrichir la communauté photographique (ce qui nous empêcherait de prendre le déjà pris) mais pour enrichir notre expérience de la vie. Chaque photographie prise est une occasion pour nous de clarifier notre rapport au monde, aux autres, à nous.

La photographie n’imite pas le réel. Elle ne le représente pas non plus. Et, a fortiori, elle ne ferait pas intrinsèquement et indépendamment de son photographe. Elle ne rend pas compte de ce que l'œil voit. Elle nous le fait simplement croire. A ce titre, la photographie est avant tout un art de l’illusion. Elle est doublement illusoire : premièrement, parce qu’elle donne l’illusion de contempler le monde ; deuxièmement, parce qu’elle donne l’illusion de ne pas être une illusion. La photographie, du fait de sa transparence, s’efface au profit de ce qu’elle montre. C’est là sa force et ce qui la distingue de la peinture.

La photographie est à la fois art et document. Elle n’est pas plus l’un que l’autre. Art, parce qu’elle est un jeu avec le réel. Document, parce qu’elle conserve irrémédiablement la trace de quelque chose. De n’importe quoi, peut-être. Il est faux de dire que la photographie aurait perdu toute valeur indicielle.

Photographier, ainsi, c’est chercher à émanciper chaque chose, chaque être, des regards qui lui disent ce qu’elle est. La façon dont elle se regarde elle-même, la façon dont nous la regardons. Ce qui implique de ne pas vouloir forcer à regarder une chose comme nous la regardons.

Photographier, c’est donc être continuellement prêt à reconnaître qu’une chose est autre chose que ce qu’on voit quand elle est sous nos yeux. Voir en elle qu’elle est certainement autre chose, peut-être tout autre chose. A reconnaître : c’est-à-dire à connaître de nouveau.

La photographie est naïve. Elle ne prétend pas qu’il existe quelque chose de plus derrière les apparences. Il y a le monde et ce qu’on voit du monde.

La photographie est tournée vers l’avenir.

Photographier une licorne est une chose possible.