


Dire & Montrer. Offrir une chance à chaque chose, à chaque être, à chaque événement. La chance d'être vu, revu, d'être pris dans des regards. Mon amour de la vie : le dire parfois, le montrer souvent.
Une image ne parle pas et je fais des images pour ne pas avoir à parler. On est bien maladroit lorsqu'on essaie de recoudre un pétale déchiré avec nos mots. Je photographie parce que parfois je n’en peux plus des mots. Parce que, parfois, je n’arrive pas à dire. Les mots s’amassent dans ma gorge et se bloquent. Parce qu’il y a des choses qui se disent et parce qu’il y en a d’autres qui se montrent.
Je pratique une photographie de l’ordinaire. Le plus difficile est de voir ce que nous avons sous les yeux. Photographier c’est m’attaquer à cette difficulté. J’ai sans arrêt envie de ne plus voir comme je vois, de regarder comme je regarde, de ne pas rester à tourner en rond dans les mêmes images, les mêmes représentations. Je fais de la photographie pour être en état d’aventure. Pour nettoyer mon regard, et le votre aussi peut-être, si j'y arrive...
Chaque jour, où que j’aille, quoique je fasse, j’emporte au moins un appareil photo. Comme Ulysse, j’erre en quête d’Ithaques. Je marche pendant des heures et je rencontre des rayons de lumière qui se posent, ici et là. Rencontrer ces rayons et ce qu’ils éclairent, c’est rencontrer le monde. Je sais que, moi, je ne peux pas saisir le monde d’un seul coup d’œil mais j’aimerais que mes photographies le permettent. Je vise le monde et je me laisser viser par lui.
Cet appareil, que je tiens contre moi, contre mon œil, que je brandis, c’est une main tendue et une égide. Il me sert à trouver la bonne distance vis-à-vis des choses, du monde, du réel. Ni trop près, ni trop loin. Si je suis trop près, les choses me blessent, m’emportent, me noient. Si je suis trop loin, les choses m’évitent, ne me font plus rien, me laissent pour mort. En photographiant, j’arrive à effleurer les choses, le monde, ses pétales et ses épines. Je peux les caresser à l’envie, sentir leur douceur, leur tranchant, en jouir sans trop me blesser. Je parviens alors, parfois, à raccommoder un pétale.
Photographier la vie, le monde, les choses, c’est un peu comme ouvrir les yeux sous l’eau.

